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Trois stratégies de « retour aux sources » pour récupérer de l’usure mentale

Par Dominic Lapointe, Jacinthe Ouellet et Katia Nelson

Après deux ans de pandémie, nous constatons une usure mentale chez une grande partie de notre clientèle. Les spécialistes parlent de fatigue pandémique ou de surmenage adaptatif. 

Dans le contexte actuel où l’incertitude demeure omniprésente, il peut s’avérer épuisant de vivre des émotions souvent changeantes, voire ambivalentes. Même les personnes naturellement agiles et adorant le changement sont affectées. L’adaptation aux mesures sanitaires, la distanciation sociale, l’acclimatement aux différents besoins de nos proches et aux frictions engendrées par le contexte, sans oublier la nouvelle réalité du travail (enjeux opérationnels) et du télétravail; tout a contribué à favoriser cette usure mentale. Le travail et l’école ont envahi la sphère privée, engendrant des enjeux de frontières et de limites. Bien que certaines personnes se soient bien adaptées au nouveau contexte du travail, plusieurs ne semblent pas encore avoir trouvé l’équilibre pour récupérer ou y faire face. La plupart de nos clients et clientes ont adopté un rythme et une cadence très élevés, leur donnant une impression d’hyperproductivité. Toutefois, on ne se donne plus le droit à des moments de répit, comme le permettaient à l’époque les déplacements physiques et géographiques entre les lieux de travail ou de rencontre et les échanges impromptus entre collègues autour de la machine à café. Ainsi, leur corps demeure crispé en permanence et le lobe frontal de leur cerveau demeure en alerte de manière continue. Notre clientèle nous confie qu’elle se sent facilement coupable, n’osant pas s’accorder des permissions comme le droit à la déconnexion.

À travers son évolution, l’être humain a été outillé pour affronter des stresseurs de haute intensité, mais il a besoin de périodes de répit entre les sprints pour récupérer et garder sa vitalité dans la continuité. Dans le présent contexte, il est facile d’omettre ces moments de récupération et de s’oublier. En neurosciences, il est démontré que de s’offrir tous les jours des micropauses toutes les 90minutes et des «microvacances» de 30minutes en solo en pratiquant des activités dites énergisantes (p. ex.: chanter, s’émerveiller devant les arts, écouter de la musique, rire, faire un casse-tête, jouer, cuisiner pour le plaisir, tricoter, bricoler, dessiner, jardiner, célébrer, danser, etc.) a pour effet de reposer le lobe frontal du cerveau et d’en stimuler les parties latérales, qui sont responsables de la rêverie créative, du développement de la vision et de l’intelligence émotionnelle. Ces périodes de repos favorisent la régénérescence des neurones.

 

La science suggère des stratégies pour se recentrer et favoriser notre récupération face aux stresseurs, tout en bâtissant une plus grande résilience. En voici quelques-unes qui ont fait leurs preuves pour se rapprocher de son essence: être en contact avec la nature, optimiser la qualité et la quantité de sommeil, faire de l’exercice régulièrement, etc. 

Être en contact avec la nature

Nos ancêtres, qui ont évolué dans un contexte où leur survie dépendait de leurs connaissances de la nature, ont développé une faculté innée à entrer en contact avec celle-ci. Une recension d’études sur le sujet montre que la proximité avec la nature produit une augmentation du bien-être, du bonheur, des émotions positives, du sentiment de sens dans la vie et une diminution de la détresse psychologique (1). Cela aurait également un effet calmant et accroîtrait notre efficacité dans les tâches cognitives (2). 

Comment bénéficier des bienfaits de la nature?

Il n’y a pas de règles claires à respecter pour bénéficier de ces résultats, mais des auteurs et autrices avancent que les bienfaits les plus importants sur la santé et le bien-être seraient observés lorsqu’une personne passe un total de 120minutes en nature durant la semaine (3). Cela dit, s’il n’est pas possible d’atteindre ce nombre, une durée plus courte peut quand même être bénéfique. Une étude montre que le plus grand gain pour diminuer le taux de cortisol (l’hormone du stress) se fait lorsque nous marchons ou nous nous assoyons dans la nature durant 20 à 30minutes (4). Dans la même veine, on peut jardiner, flâner dans un parc ou encore observer la beauté des arbres et des fleurs du voisinage. Vous pouvez, en plus, maximiser les bénéfices positifs en vous assurant d’être totalement présent·e, ici et maintenant, en ayant recours à vos cinq sens. 

Optimiser la qualité et la quantité de sommeil

Dans nos vies effrénées, nous négligeons souvent notre sommeil. Cependant, il s’agit d’un ingrédient crucial du bien-être et de la performance. Le sommeil recharge le cerveau, favorise l’apprentissage et consolide les informations et les souvenirs (5). Le manque de sommeil a souvent été associé à une diminution de la performance cognitive et à l’augmentation de problèmes relationnels, de santé mentale et physique.  

Comment bénéficier des bienfaits du sommeil?

Quantité : il est recommandé de dormir entre 7 et 9 heures par nuit (6). Il y aurait une relation linéaire entre ce nombre d’heures et la longévité. Toutefois, cette relation s’inverserait lorsque la durée du sommeil dépasse 9 heures. 

Qualité : on conseille de mettre en place des stratégies pour maximiser les heures de sommeil profond (une nuit comprend de 3 à 6 cycles d’une durée de 90 à 120 minutes de ce type de sommeil qui alterne avec le sommeil lent) dans un but de récupération optimale. 

  • Se lever relativement à la même heure tous les jours et se coucher dès que l’on commence à ressentir de la fatigue. Instaurer une routine pour faciliter le sommeil. 
  • Prendre de grandes respirations en gonflant le ventre (plutôt que le rentrer) afin de ralentir son rythme cardiaque. 
  • Éviter de consommer de la caféine 8 à 10 heures avant l’heure du coucher. 
  • Se retirer des environnements agités 1 heure avant l’heure du coucher.  
  • Éviter de s’exposer à la lumière vive (particulièrement celle des écrans) entre 22 heures et 4 heures du matin.  
  • Se donner le droit à la déconnexion digitale de manière prolongée. Trier les informations et éviter la surdose de communications pendant le jour. 
  • Éviter les longues siestes ou les limiter à moins de 60 minutes. 
  • Garder la chambre fraîche. La température du corps diminue de 1 à 3 degrés durant le sommeil et l’augmentation de celle-ci est une des causes de réveil durant la nuit. 
  • Éviter l’alcool, les somnifères et le THC, car ils interviennent dans la capacité à entrer dans un sommeil profond. Boire beaucoup d’eau pendant le jour.  
  • Noter les pensées récurrentes et envahissantes (s’il y a lieu) avant de se coucher afin d’éviter de s’en préoccuper durant la nuit. Les notes permettent d’y réfléchir au réveil. Noter aussi dès que possible les bonnes idées pour éviter de les oublier. 
  • Si l’insomnie s’installe, consulter une professionnelle ou un professionnel de la santé. 

Faire de l’exercice régulièrement

Un autre outil puissant mais souvent négligé pour accroître notre bien-être est l’exercice physique. Faire de l’exercice procure non seulement un sentiment de bien-être à court terme, mais aussi à long terme. Il est reconnu que l’activité physique diminue les symptômes dépressifs ou anxieux (8). Du point de vue biologique, «bouger» protégerait le cerveau et agirait positivement sur la santé mentale en augmentant la sérotonine et l’endorphine (des neurotransmetteurs de la satisfaction et du bien-être) et en favorisant la croissance des neurones et la qualité du sommeil. Sous l’angle psychologique, l’exercice physique régulier permettrait d’accroître le sentiment d’accomplissement et de sens et d’augmenter la résilience face aux futurs stresseurs. En plus de favoriser le bien-être, il est reconnu que l’exercice augmente les capacités cognitives, en réduisant l’inflammation et en favorisant l’irrigation sanguine du cerveau (9).  

Comment bénéficier des bienfaits de l’exercice physique?

Il est recommandé de s’engager dans une routine réaliste où les activités et leur fréquence sont adaptées à sa condition physique et à son horaire. Comme le dit si bien la fable : « rien ne sert de courir, il faut partir à point » : il vaut mieux commencer par un objectif simple et facile à atteindre. Un objectif plus ambitieux devra toujours être révisé. Attention toutefois aux risques de blessure. Privilégiez la constance plutôt que la performance. Pour une personne inactive, une marche de 30 minutes effectuée régulièrement avec une cadence modérée peut être favorable. Faire des étirements est également un exercice simple à faire à la maison. Pour les personnes en télétravail, il est suggéré de prendre des pauses du travail cognitif toutes les 90 minutes et de faire une activité de nature dynamique comme aller à la poste, faire le tour de la maison ou encore entreprendre une brassée de lavage.  

Ultimement, on préconise une routine minimale de 150 minutes d’exercice d’intensité moyenne par semaine. Il s’agit de la norme prescrite par Santé Canada et de son équivalent américain, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Un exercice d’intensité moyenne implique que notre rythme cardiaque augmente, que nous suons légèrement et que pendant celui-ci, il est possible de tenir une conversation (10). 

Quelles sont vos stratégies pour récupérer de l’usure mentale?

Nous vous invitons à faire une introspection et à noter les émotions que vous vivez actuellement. Nous vous suggérons de noter également vos réponses aux questions suivantes : 

  • Si vous aviez à évaluer votre niveau d’usure mentale, quel serait votre score sur une échelle de 1 à 10 (1 étant « très faible » et 10 étant « très élevé »)?  
  • Comment ce score parle-t-il de votre état?
  • Quelles stratégies « énergisantes » utilisez-vous pour prendre soin de votre santé physique et psychologique? 
  • Quelles sont les choses que vous aimeriez commencer à faire? 
  • Que faites-vous de bien et que vous souhaitez continuer de faire? 
  • Qu’auriez avantage à arrêter de faire afin de prendre soin de votre santé physique et psychologique? 

Un accompagnement professionnel pour aller plus loin? 

Humance, avec son équipe de professionnel·le·s, de psychologues du travail et des organisations et de coachs, peut vous soutenir pour mettre en place des stratégies intéressantes et puissantes afin de contrer l’usure mentale et améliorer la santé physique et psychologique.  

Contactez nos expert·e·s:

Dominic Lapointe
Jacinthe Ouellet
Katia Nelson

  1. BRATMAN, G. N. et collab. (2019). « Nature and mental health: An ecosystem service perspective », [En ligne], Science Advances, 5 (7).  [https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aax0903].
  2.  WEIR, K. (2020). « Nurtured by nature », [En ligne], American Psychological Association, 51 (3), 50. [https://www.apa.org/monitor/2020/04/nurtured-nature].
  3. WHITE, M. P. et collab. (2019). « Spending at least 120 minutes a week in nature is associated with good health and wellbeing », [En ligne], Scientific Reports, 9, 1.  [https://www.nature.com/articles/s41598-019-44097-3].
  4. HUNTER, M. R., GILLESPIE, B. W., YU-PU CHEN, S. (2019). « Urban Nature Experiences Reduce Stress in the Context of Daily Life Based on Salivary Biomarkers », [En ligne], Frontiers in Psychology, April 4. [https://doi.org/10.3389/fpsyg.2019.00722].
  5. AMERICAN PSYCHOLOGICAL ASSOCIATION (2014). « Getting a good night’s sleep: How psychologists help with insomnia », [En ligne]. [https://www.apa.org/topics/sleep/disorders#:~:text=Sleep%20is%20vital%20to%20our,problems%20with%20mood%20and%20relationships].
  6. HUBERMAN, A. et WALKER, M. (2021). « The science & practice of perfecting your sleep », [En ligne], Huberman Lab, August 2. [https://hubermanlab.com/dr-matthew-walker-the-science-and-practice-of-perfecting-your-sleep/]
  7. HUBERMAN, A. (2021). « Toolkit for Sleep », [En ligne], Huberman Lab Podcast Neural Network, September. [https://hubermanlab.com/toolkit-for-sleep/].
  8. WEIR, K. (2011). « The exercise effect », [En ligne], American Psychological Association, 42 (11), 48. [https://www.apa.org/monitor/2011/12/exercise].
  9. HARVARD HEALTH PUBLISHING (2021). « Exercise can boost your memory and thinking skills », [En ligne], February 15. [https://www.health.harvard.edu/mind-and-mood/exercise-can-boost-your-memory-and-thinking-skills].
  10. HUBERMAN, A. (2022). « The science of making and breaking habits », [En ligne], Huberman Lab Podcast, January 3. [https://hubermanlab.com/the-science-of-making-and-breaking-habits/]
  11. LACHAUX, J.-P. (2015). « Le cerveau en vacances : comment régénérer ses neurones en été », Cerveau & Psycho, Juillet, no 70. 

 

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