Souvent entendue en coaching, cette phrase traduit l’inconfort des gestionnaires à traiter les enjeux émotifs – pourtant inhérents à leur fonction – et sert même parfois de justification pour les éviter.
L’évitement, une stratégie à repenser
Les gestionnaires ne sont évidemment pas des psychologues. Leur rôle ne consiste pas à évaluer le fonctionnement psychologique des membres de leur équipe, à établir un diagnostic ou à offrir une thérapie. Cependant, tout comme les psychologues, les gestionnaires naviguent dans la complexité du comportement humain et la compréhension de celui-ci.
Être gestionnaire, c’est, entre autres, inspirer son équipe, créer du sens, aligner, communiquer, mobiliser, résoudre des conflits, gérer des changements et soutenir le développement des personnes. Ces responsabilités impliquent de comprendre les émotions des gens et leurs besoins sous-jacents.
Rappelons d’abord que les émotions sont universelles. Elles sont la réaction psychologique et physiologique à un événement ou à une situation. Elles sont nécessaires à notre survie. De fait, ce sont les émotions qui nous aident à nous adapter à notre environnement, à communiquer, à collaborer, à nous motiver, à contribuer au bon fonctionnement de notre équipe. Elles influencent nos décisions, nos choix et nos comportements. Qu’on le veuille ou non, elles font partie de nous, en toutes circonstances. Il est donc impossible de laisser nos émotions à la maison avant de partir au boulot.
Toutefois, nous ne sommes pas tous et toutes à l’aise dans cette sphère. Pour certaines personnes, la capacité à gérer les émotions est plus facile que pour d’autres. À moins que vous ne fassiez partie du 10 % de la population qui souffre d’alexithymie (difficulté à identifier, différencier, exprimer et gérer ses émotions ou celles des autres), la gestion des émotions est une compétence incontournable à développer pour une vie personnelle et professionnelle saine.
Une étude de VitalSmarts[1] (aujourd’hui Crucial Learning), portant sur le coût de l’évitement des conflits et menée auprès de 656 personnes en 2010, révélait que pour chaque conversation cruciale évitée, huit heures de travail étaient perdues et il en coûtait 1500 $ à l’organisation. De plus, on y apprenait que 95 % des répondants et répondantes mentionnaient avoir de la difficulté à exprimer leurs préoccupations.
Jusqu’où va le rôle de gestionnaire?
Lorsqu’une personne vit un changement, fait état de ses préoccupations ou éprouve des émotions difficiles, tant sur le plan personnel que professionnel, elle ne s’attend pas à ce que son ou sa gestionnaire devienne psychologue. Elle peut toutefois s’attendre à de l’écoute, de l’intérêt et de l’empathie envers ce qu’elle vit.
Un ou une gestionnaire au leadership mobilisateur fera donc preuve de sensibilité, évitera le jugement, démontrera de l’ouverture et accueillera courageusement les émotions plutôt que de les éviter.
Les relations de collaboration les plus efficaces ne sont pas celles qui sont ancrées dans le transactionnel, de rôle à rôle, de gestionnaire à membre de l’équipe. Ce sont celles qui sont enracinées dans la confiance, de personne à personne, d’être émotif à être émotif.
Dans votre entourage, quelles sont les personnes dont le leadership est inspirant? Il est fort à parier que celles auxquelles vous pensez ont développé une aisance à composer avec leurs émotions et celles des autres.
Quel est votre niveau de confort vis-à-vis des émotions?
Pour approfondir votre réflexion sur la gestion des émotions, nous vous invitons à prendre un moment pour répondre aux questions suivantes :
- Est-ce que j’évalue mon propre état émotionnel au quotidien?
- En ma présence, comment aimerais-je que les gens se sentent?
- Comment puis-je inspirer mon équipe et mes collègues?
- Quelle est ma réaction habituelle lorsqu’une personne devient émotive au travail (malaise, agacement, tristesse, colère, peur, anxiété, sensibilité…)?
- Sur une échelle de 0 à 10, quelle note donnerais-je à mon quotient émotionnel (ma capacité à identifier, comprendre et gérer mes émotions et celles des autres)?
- Quels types d’émotions me sortent de ma zone de confort?
- À la lumière de mes réponses précédentes, sur quoi puis-je mettre l’accent pour générer un meilleur impact auprès de mon entourage?
Être gestionnaire exige une capacité à composer avec les émotions. D’où la nécessité d’élever notre quotient émotionnel. Cela nous permet de mieux collaborer, de mieux communiquer, d’inspirer, donc d’avoir de meilleurs résultats. En ce sens, gérer implique effectivement une part de psychologie ou, à tout le moins, une très bonne dose d’écoute et d’empathie.
Sources
[1] VitalSmarts. (2010). The Cost of Conflict Avoidance. Crucial Accountability. [https://www.norskstyrebase.no/uploads/9/4/6/7/9467257/005_cost-of-conflict-avoidance.pdf]