En matière de prévention des risques psychosociaux, la formation des gestionnaires ne suffit plus. Une approche globale, combinant pratiques de gestion, processus RH et culture organisationnelle, est davantage garante de succès et d’efficacité. Miser sur ces leviers interdépendants trace le chemin vers la création d’un environnement où bien-être et performance se conjuguent sainement et durablement au sein des organisations.
Le premier réflexe d’une organisation se penchant sur la gestion des risques psychosociaux (RPS) est généralement de former les gestionnaires sur le sujet. C’est une initiative importante, mais incomplète. En effet, il ne s’agit pas que d’acquérir de nouvelles compétences : il est souvent question de changer des habitudes solidement ancrées, voire d’opérer une transformation de la culture organisationnelle en place.
Forte de centaines de mandats réalisés au fil des ans, l’expérience nous permet de reconnaître les composants essentiels d’une intervention RPS optimale. En voici trois : les pratiques quotidiennes de gestion, les processus et systèmes RH, de même que l’instauration d’une culture organisationnelle axée sur la santé et la sécurité psychologiques.
Des pratiques quotidiennes de gestion pour un environnement sain
Dans un contexte de haute turbulence et de pénurie de main-d’œuvre, la surcharge de travail est souvent chronique : le volume de tâches excède tout simplement la capacité concrète des gens à les réaliser. Demeurer en bonne santé dans un tel environnement repose notamment sur la marge de manœuvre dont on dispose pour établir les priorités, composer avec les attentes des parties prenantes et gérer la pression excessive de livrer, parfois sans égard aux contraintes. En ce sens, la façon dont chaque gestionnaire soutient ses équipes fait toute la différence.
Le climat de travail est également déterminant. Créer un cadre où règnent la confiance mutuelle, la sécurité psychologique, l’inclusion, l’entraide et la collaboration minimise assurément les risques psychosociaux. L’entretien de canaux de communication multidirectionnels permettant de prendre le pouls en continu, de faire circuler l’information et d’offrir des rétroactions constructives, est également à privilégier. De plus, pour traiter des sujets sensibles, la qualité d’écoute des gestionnaires est primordiale, ainsi que leur capacité de conjuguer courage et bienveillance.
Enfin, lorsqu’un conflit ou un problème survient et pose un risque psychosocial, il faut savoir que le temps arrange rarement les choses, contrairement à ce qu’on pourrait espérer. Une intervention rapide et proactive s’impose pour éviter que la situation se détériore.
Des processus et systèmes RH clairs et dynamiques
En complément aux pratiques quotidiennes de gestion, pour bien gérer les risques psychosociaux, il importe, par des politiques RH explicites, d’articuler clairement le positionnement de l’organisation sur les thèmes suivants :
- Santé physique et psychologique au travail
- Organisation du travail (flexible et hybride)
- Conciliation travail-vie personnelle
- Droit à la déconnexion
- Harcèlement psychologique
- Équité, diversité et inclusion
La fonction RH peut également encadrer chaque étape de la carrière des personnes employées (voir image 1) avec un accent sur leur bien-être. Un processus bien rodé, élaboré avec un souci particulier pour la prévention des risques psychosociaux, peut avoir un effet positif majeur pour chaque personne souhaitant évoluer à long terme au sein de l’organisation.
Une culture organisationnelle axée sur la santé et la sécurité psychologiques
Les normes informelles émanant de la culture d’une organisation exercent souvent une influence plus grande encore que les normes formelles. C’est pourquoi, au-delà des politiques et processus RH officiels, on doit aussi travailler plus en profondeur sur la culture organisationnelle. Le modèle d’évolution présenté ci-bas, qui intègre notamment les travaux de Johnson et Scholes (1999), peut être le point de départ de la transformation.
Un plan d’évolution culturelle s’étale typiquement sur plusieurs années et inclut des activités telles que l’actualisation des valeurs organisationnelles par le prisme de la gestion des risques psychosociaux et l’instauration de rituels favorisant de saines habitudes (par exemple, lors des rencontres mensuelles d’équipe, faire un tour de table en posant la question « Comment ça va? » et en écoutant réellement les réponses avant d’enchaîner sur le sujet des tâches). Les systèmes de mesure, de contrôle et de renforcement sont également essentiels pour soutenir l’évolution, permettant en outre de constater et célébrer la progression.
L’importance d’une approche globale et d’un plan bien orchestré
Ces trois leviers de la gestion des risques psychosociaux exigent des efforts soutenus et une approche systémique. Agir sur un seul tableau peut certes générer des améliorations, mais intervenir de façon globale est essentiel pour assurer des avancées majeures et durables. Par où commencer, demandez-vous? Un premier exercice de recensement de vos aspirations, suivi d’un diagnostic étoffé de votre situation actuelle en matière de risques psychosociaux, représente un bon début pour tracer le chemin le mieux adapté à votre contexte.
Article originalement publié dans la Revue RH, volume 27, numéro 2 ─ AVRIL MAI JUIN 2024 le 30 avril 2024
Référence :
Johnson, G., & Scholes, K. (1999). Exploring Corporate Strategy (5e edition), Prentice Hall.
Source : Revue RH, volume 27, numéro 2 ─ AVRIL MAI JUIN 2024
- https://firps.org/wp-content/uploads/2022/09/FIRPS_Livret-Teletravail_media.pdf
- https://www.inspq.qc.ca/risques-psychosociaux-du-travail-et-promotion-de-la-sante-des-travailleurs/risques-psychosociaux-du-travail