Dans cet article, je m’entretiens avec trois coachs seniors sur les enjeux actuels et futurs des organisations, les défis qui attendent les personnes qui les dirigent, les aptitudes à acquérir pour y faire face et l’impact du coaching exécutif.
Carolyne Richard1, Eileen Dooley2 et Katia Nelson3 côtoient et accompagnent depuis 10 ans des personnes occupant des postes de haut niveau dans de grandes organisations et des PME.
Carolyne Richard
Eileen Dooley
Katia Nelson
De fait, le coaching exécutif n’est pas nouveau. Irène Samson, professeure à l’Université de Sherbrooke, nous apprend que cela fait plus de 20 ans que praticiens, praticiennes, chercheurs et chercheuses s’intéressent à cette méthode de développement pour en comprendre les différentes retombées. Selon la Fédération internationale de coaching (ICF), ce serait plus de 2 milliards de dollars américains qui sont investis annuellement pour accompagner les dirigeants et les dirigeantes. Dans un contexte volatil et instable, cette approche personnalisée d’amélioration des compétences est un atout indéniable pour les leaders, comparativement à d’autres options plus rigides ou plus générales.
À votre avis, quels sont les défis auxquels les cadres de haut niveau font face aujourd'hui en ce qui concerne l’avenir du travail?
Carolyne Richard : La transformation actuelle du monde du travail exige des mutations dans les comportements et les états d’esprit (mindsets) que les leaders devront incarner afin d’inspirer ces mêmes changements. Le succès et la pérennité des entreprises de demain reposeront non seulement sur la qualité des produits et services, mais aussi sur l’expérience–employé, devenue incontournable. Les dirigeants et les dirigeantes doivent créer des environnements bienveillants, adaptés aux besoins des individus, empreints d’équité et d’ouverture tout en ayant un impact social et environnemental.
Eileen Dooley : Les entreprises doivent proposer des formules de travail flexibles, sinon d’autres le feront et c’est là que les gens choisiront d’aller travailler. Le problème actuel dans les organisations est qu’il arrive qu’une personne de haut rang, le ou la PDG par exemple, n’adhère pas à l’idée. Les leaders qui l’entourent se trouvent alors devant un dilemme : soutenir cette personne et perdre du personnel, ou ne pas la soutenir et mettre en péril leur rôle au sein de l’équipe de direction. Les dirigeants et les dirigeantes doivent être solidaires sur les questions et les politiques qui touchent les gens, et celle-ci est l’une des plus importantes.
Katia Nelson : Avec la pandémie, le personnel de direction a dû apprivoiser des paradigmes tels que « la distance n’a plus d’importance » et « loin des yeux ne veut pas dire loin du cœur ». Dans le futur, les leaders devront aussi composer avec une nouvelle génération qui n’a plus envie de placer le travail à l’avant-plan de leur vie. L’agilité émotionnelle, la résilience, l’inclusion de la diversité, la justice et l’équité, les critères sociaux, environnementaux et de gouvernance, le courage de faire autrement et de repenser le travail seront au cœur de leurs défis.
Concrètement, qu’est-ce que le coaching exécutif peut apporter aux leaders?
Carolyne Richard : Le coaching est devenu pour les dirigeants et les dirigeantes une façon de pratiquer « le relâchement stratégique » qui crée de l’espace pour voir clair et se reconnecter à leurs besoins. Souvent aux prises avec des stéréotypes et des croyances qui peuvent les maintenir dans un perpétuel combat entre l’image de leader (être toujours en contrôle, ne jamais baisser les bras, absorber la pression pour tout le monde, être disponible 24 h/24, 7 j/7) et leurs réels besoins, ces individus retrouvent dans mon bureau le droit de se montrer vulnérables, dépassés, inquiets. C’est un espace bienveillant, challengeant qui permet l’introspection pour se connecter à des intentions plus claires, puis élaborer un processus favorisant la mise en action de celles-ci.
Eileen Dooley : La plupart des conversations concernent la gestion des relations, car les dirigeantes et les dirigeants ont souvent du mal à naviguer parmi les différentes personnalités. Ces individus aiment comprendre leur propre style de communication et comment il fonctionne (ou pas) dans leur environnement. Les cadres apprécient la confidentialité, l’honnêteté et l’espace sûr que constitue le coaching, en particulier lorsqu’il s’agit d’aborder des sujets sensibles et chargés d’émotion.
Katia Nelson : Les leaders apprécient cet espace où se déposer, se confier, ralentir pour penser autrement et élargir leur horizon en toute confidentialité. Les dirigeantes et les dirigeants ressentent souvent de la solitude au sommet. Mon accompagnement sert à faire des liens imprévus pouvant mener à des prises de conscience percutantes. Cette nouvelle clarté leur permet de replonger dans l’action.
Quelles sont les aptitudes que les cadres de haut niveau devraient maîtriser pour faire face au stress et à la pression du travail?
Carolyne Richard : Il est primordial d’avoir une bonne connaissance de soi et d’avoir parfaitement conscience de ses angles morts. Il m’arrive de comparer le milieu des dirigeantes et des dirigeants à la Formule 1. C’est une course extrêmement exigeante, complexe, impliquant une équipe hautement performante. Elle nécessite une connaissance irréprochable de son véhicule de la part des pilotes et la négligence de ses angles morts peut mener à sa propre fin. En milieu corporatif, il existe différents moyens d’améliorer sa connaissance de soi tels que solliciter la rétroaction, apprendre de ses erreurs, observer son impact, prendre du recul et avoir le courage de se poser les bonnes questions.
Eileen Dooley : Si je devais en citer quelques-unes, l’intégrité, le courage, la responsabilité, l’empathie et la transparence me viendraient à l’esprit. Ces aptitudes doivent se manifester dans les bons moments comme dans les mauvais. Les dirigeantes et les dirigeants qui ont réussi à faire face à des difficultés incroyables au sein de leur entreprise ont fait preuve d’ouverture, d’honnêteté et de responsabilité face à leurs erreurs et leurs lacunes. Le fait de se cacher, de déformer la vérité ou de l’ignorer détruira non seulement la réputation du ou de la leader, mais aussi celle de l’entreprise.
Katia Nelson : Les leaders ont besoin de cultiver l’agilité émotionnelle, la créativité, le respect de l’humain, l’introspection et la capacité à lâcher prise. De plus, il est essentiel de savoir comment gérer leur énergie afin de maintenir leur équilibre pour être percutants et percutantes lorsque la situation le requiert. Les cadres sont des chefs d’orchestre qui maximisent le potentiel des personnes dans l’organisation.
Conclusion
Le coaching exécutif est un espace de réflexion et d’écoute sans jugement, un lieu de prise de conscience et de solutions. De la part du ou de la coach, c’est savoir trouver le juste équilibre entre accéder à la vulnérabilité d’une personne et avoir le courage de nommer ce qui est entendu et observé. C’est aussi amener à se regarder en face et à oser poser les gestes qui inspireront le personnel et l’organisation vers un changement durable.
1 Carolyne Richard, c.o. et PCC, est consultante principale et coach en évaluation des talents et intégration. Elle a occupé des fonctions de dirigeante dans une firme–conseil et elle est certifiée en coaching de direction. Elle accompagne des leaders de PME et du secteur financier dans la grande région de Québec.
2 Eileen Dooley, PCC, est une consultante et coach senior en développement du leadership et des équipes. Elle travaille en gestion de carrière avec des cadres de haut niveau d’entreprises nationales et internationales de l’Ouest canadien.
3 Katia Nelson, Ph. D, est consultante et coach en développement des leaders et des équipes. Elle travaille avec des dirigeants et des dirigeantes à Toronto et à Montréal.