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La grande résilience ou l’accueil de la nouvelle réalité

Nous ne traiterons pas ici de la nouvelle normalité, mais bien de la nouvelle réalité du monde du travail. 

Mars 2020 fut un moment de grand bouleversement sociétal : une large part des travailleuses et des travailleurs ont été, sans préparation, forcés au télétravail à temps plein. Impression de fin du monde sur fond d’incertitude et de peur…

Trente mois plus tard, ayant – en partie – circonscrit le mal mais vivant toujours avec l’insécurité et la crainte, où nous situons-nous? Devons-nous retourner au bureau et renouer avec la réalité d’avant qui nous semblait la normalité?

Que devrait être dorénavant la réalité du monde du travail? Le confinement a remis en question notre relation avec le travail et la place qu’il doit occuper dans notre vie. Soudainement, notre existence de funambules marchant sur le fil étroit de l’équilibre professionnel/personnel, balançant entre santé mentale et contrat social, n’avait plus autant de sens. 

 

La vraie question : « Pourquoi? » 

Médias sociaux, presse écrite et journaux télévisés posent tous des questions relatives au « comment». Doit-on imposer le retour au bureau aux travailleuses et aux travailleurs? Si oui, à raison de combien de jours par semaine ou par mois? Les jours-présences doivent-ils être les mêmes pour tout le monde? Qu’en sera-t-il des horaires de travail 

Notre collègue Thomas O’Neill, également professeur en psychologie industrielle à l’Université de Calgary, nous ramène à la question fondamentale : « pourquoi? ». 

« Il y a deux questions à poser quant au lieu de travail : 1) Pourquoi le personnel préfère-t-il travailler au bureau ou à la maison? 2) Pourquoi une organisation exiget-elle que son personnel œuvre en présentiel plutôt qu’en virtuel, sil le peut? Ce sont deux questions simples mais qui engendrent des réponses complexes.» 

« Pourquoi le personnel préfère-t-il travailler au bureau ou à la maison? » 

Sondages, études de cas, vox pop et témoignages rapportés dans les grands quotidiens et les médias sociaux nous permettent d’affirmer que la motivation première pour aller au bureau n’est pas pour collaborer ou régler spontanément des détails de dossiers autour de la machine à café. Ce n’est pas non plus pour avoir accès à des outils informatiques. C’est pour socialiser. A contrario, les travailleuses et les travailleurs préfèrent œuvrer de la maison pour la flexibilité que cela offre : prendre les enfants à la garderie, démarrer une lessive entre deux rencontres, préparer le petit déjeuner sans courir, éviter les bouchons de circulation et les conditions routières difficiles, etc. À la maison, la pression est moins grande et il n’est pas rare qu’on y soit bien équipé du point de vue informatique. 

« Pourquoi une organisation exige-t-elle que son personnel œuvre en présentiel plutôt qu'en virtuel, s'il le peut? » 

Pour la performance? Pour la transmission de la culture organisationnelle? Aucune étude ne le démontre clairement. Dans ce cas, pourquoi certaines organisations obligent-elles un retour au bureau à temps plein ou selon une fréquence prédéterminée? Thomas O’Neill explique :  

« Dans la mesure où le personnel peut s’acquitter de ses tâches en télétravail, exiger la présence au bureau peut être une pratique de micromanagement associée au taylorisme ou un désir de contrôle qui annihile le droit à l’autonomie de l’individu. Mais les gestionnaires peuvent aussi avoir de bonnes intentions à vouloir reconstituer une présence au bureau : cohésion de l’équipe, moral des troupes, événements, réunions pour fins de collaboration, etc.» 

Dès lors que l’expérience des travailleuses et des travailleurs n’est plus positive, la volatilité actuelle de la main-d’œuvre parle d’elle-même : acculés au pied du mur, ils claquent la porte :  

Avant […], le travail au bureau faisait partie intégrante de ce qui convenait d’appeler la normalité. Mais après ce que nous avons vécu durant les deux dernières années, nous réalisons aujourd’hui qu’il existe d’autres possibles.

 – Mathieu Gilbert, consultant en stratégie
et transformation organisationnelle, Humance 

Pour l’heure, une certitude. La solution ne réside pas dans le télétravail ou le présentiel à 100 %; elle est nuancée, hybride.

Justine Benoit (CHRA, MBA), consultante principale chez nous, maintient que le travail en mode hybride doit toujours être contextualisé et les stratégies le concernant doivent prendre racine dans la culture d’entreprise.  

  1. Contexte opérationnel : la tâche exige-t-elle une présence physique (emplois « manuels », prestations de services de santé, consultation sur place d’informations sensibles, etc.)?  
  2. Spécificités culturelles : l’entreprise dispose-t-elle d’une forte culture de travail en présentiel (secteur des banques et de l’assurance) ou en virtuel (entreprises géographiquement distribuées, firmes de consultations et de services professionnels)?  

Ainsi, le travail hybride sera possible, souhaitable, facilité (ou non) selon la catégorie d’emploi ou la culture de l’entreprise. Par ailleurs, l’obligation non justifiée d’un travail en présentiel peut être inacceptable du point de vue de l’individu. Le libre choix paraît dorénavant l’avenue à privilégier.  

Bien sûr, certains facteurs jouent en faveur d’une présence physique sporadique : accueil d’une nouvelle ressource, entrevue de départ, atelier de planification stratégique, etc. Des événements peuvent également être mis en place afin de favoriser les échanges et la socialisation du personnel, sur base volontaire. De fait, certaines entreprises proposent des séances de yoga, des 5 à 7, des soirées de babyfoot ou de billard, etc. Avant ou après de tels événements, les bureaux se remplissent. 

Avantages et bénéfices

Dans les limites de la capacité organisationnelle à déployer ses opérations, à remplir sa mission, à atteindre ses objectifs et à s’acquitter de ses obligations, il y a peu d’avantages à contraindre le personnel à œuvrer en présentiel, tant pour les entreprises que pour les ressources. L’inverse est tout aussi vrai.

Offrir à une ressource de choisir son lieu de travail en fonction de ses besoins et d’impératifs qui varient d’un jour à l’autre est une démonstration de respect envers la personne dans son autonomie et son individualité, dans sa quête d’équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. L’organisation fait alors preuve de maturité en adoptant une gestion centrée sur le personnel (Employee Centrix) dont la conséquence directe sera une expérience positive et enrichissante pour les employés et les employées. Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre et de pénurie de qualité, quelle entreprise peut se passer d’un tel avantage stratégique? 

Lors du confinement, nous avons dû nous adapter à une vie en télétravail : pouvons-nous aujourd’hui nous adapter au fait d’avoir le choix? 

La nouvelle question : « Pourquoi pas? »

Nos nouvelles réalités marquent l’évolution de notre conception du travail, de notre relation avec ce dernier et de l’univers du bureau. Soyons darwiniens et considérons cette évolution comme une condition de survie pour plusieurs milieux d’affaires. 

Une préoccupation demeure néanmoins au sujet du mode de travail hybride : son caractère de non-prévisibilité. Dans l’espace professionnel, la non-prévisibilité est synonyme de chaos (exemple : un employé se rend au bureau pour retrouver ses collègues et collaborer avec eux, mais il s’y retrouve seul). Dès lors, signifier à l’avance son lieu de travail en ayant la possibilité de modifier ses préférences en tout temps serait une avenue intéressante. 

Créer une synergie, un engouement, multiplier les occasions de rencontres : comment entrevoyez-vous la nouvelle réalité de demain?  

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